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submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

« Nous ne sommes pas effrayé·es le moins du monde par les ruines. Nous allons hériter de la terre, cela ne fait pas le moindre doute. La bourgeoisie peut détruire et ruiner son propre monde, avant de quitter la scène de l’histoire. Nous transportons un monde nouveau, ici, dans nos cœurs ». Buenaventura Durruti, ouvrier anarcho-syndicaliste espagnol.

Quels que soient les résultats des élections législatives anticipées, sans renier que ces résultats influeront sur la situation  politique et sociale immédiate, nous devrons continuer à nous mobiliser pour faire avancer nos revendications. Seules les luttes collectives pourront constituer une alternative au libéralisme et au fascisme. Sur quoi pouvons-nous nous appuyer dans cette période ? Quel est le rôle des révolutionnaires ? Comment faire pour arracher des victoires ?

Les grèves se multiplient depuis la crise du Covid-19

S’il y a un mouvement de fond installé depuis le Covid-19, c’est bien celui de la conflictualité dans les lieux de travail. Entre 2021 et 2022, le nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève a augmenté de 71% ! À la première place des revendications : la rémunération.

En Loire-Atlantique, plusieurs secteurs ont connu des grèves cette année, dont la métallurgie, l’agro-alimentaire, le BTP (INEO, filiale de Bouygues), la presse (Ouest France), les sociétés de services numériques (Smile, Capgemini, Accenture), etc. Pour ces deux dernières entreprises, il s’agit d’un événement en soi, tant le secteur est un désert syndical proportionnellement au nombre de salarié·es.

Les chiffres ne suffisent pas

Notre camp dénonce souvent les chiffres de milliards de profits des capitalistes pour mobiliser. Mais cela a un effet distanciant, les chiffres étant trop éloignés de la réalité des travailleuses et travailleurs. Les grèves des travailleuses et travailleurs partent d’un constat simple : la difficulté à boucler les fins de mois, l’arbitraire du patron, les conditions indignes, etc. Savoir que l’entreprise fait des bénéfices record est important, mais ce n’est pas l’information principale pour lancer une grève. C’est la réalité du terrain qui prime.

La majorité des patrons d’entreprises, souhaitant l’arrêt des grèves, revoient leur propositions à la hausse. Si les propositions sont tellement basses que le patronat maîtrise la marge de hausse, cela n’en fait pas pour autant une défaite pour notre camp. Car il faut voir aussi ce qu’un climat de grève permet dans une entreprise. Prenons l’exemple de la grève de février 2024 dans l’entreprise Kuehne Nagel près d’Angers [1]. L’activité sur la plateforme a commencé en 2020, employant 400 salarié·es, majoritairement des intérimaires et des travailleuses et travailleurs immigré·es. Les conditions de travail y sont particulièrement difficiles, les salaires bas, et la précarité partout.

Aucune organisation ni culture syndicale n’était présente. Le travail de persévérance d’une équipe syndicale ne faisant pas partie de l’entreprise, et l’aide de l’Union locale CGT pour s’implanter dans cette usine, a permis la création d’une petite section, du lien avec les autres ouvriers et ouvrières une dynamique de solidarité entre les intérimaires et les internes. Suite à l’annonce d’une augmentation de la cadence qui s’ajoute à toutes les autres conditions d’exploitation, 200 salarié·es en CDI, et jusqu’à 90% d’intérimaires décident de faire grève. D’abord par des débrayages de deux heures les deux premiers jours et grève avec occupation de l’usine les deux derniers jours.

Des possibilités ouvertes

Pris de court, et avec des tentatives échouées de divisions, le patron a alors dû signer un accord de fin de grève au bout des quatre jours avec :

1. l’annulation de l’augmentation des cadences ;
2. l’embauche de 80 intérimaires en CDI ;
3. l’augmentation de 130 euros par mois de la prime de productivité. Une vraie victoire au regard de la situation moins d’un semestre avant !

Sans oublier la culture de liens et de solidarité qui se noue entre les travailleuses et travailleurs depuis cette mobilisation, cet exemple nous montre :

1. L’importance d’une Union locale interprofessionnelle combative qui a apporté l’expérience de ses militant·es (juridiques, d’anticipation des pièges du patron, de soutien logistiques etc.) à des travailleuses et travailleurs qui ne voulaient plus se laisser faire.
2. Que même dans le secteur privé avec différents types de contacts (CDI, intérimaires, etc.) c’est possible de faire grève et de gagner.

Mais les quelques victoires éparses dans les entreprises ne peuvent cacher la forêt de la destruction de la planète et des conditions de travail. C’est pourquoi nous devons nous renforcer et nous saisir des outils de défense de notre classe et ouvrir les brèches. Malgré ses imperfections et ses limites, le syndicat est un outil d’organisation central dans le lieu de travail. Sans doute, ses formes actuelles ne répondent pas à toutes les configurations des lieux de travail, ni aux transformations majeures des dernières décennies.

Notre rôle en tant que révolutionnaires

Notre rôle est de bâtir notre force collective dans l’outil syndical, sans le vider de son sens politique : un moyen de maintenir la conflictualité, même défensive, entre nous producteurs et productrices de richesses et le Capital. En tant que communistes libertaires, si nous avons appelé à faire le choix tactique de voter Nouveau Front populaire pour empêcher l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, nous restons convaincu·es que notre rôle est de participer, renforcer et unifier les luttes qui émergent de notre classe sociale.

Que ce soit sur les salaires, les luttes écologiques, les luttes anti-impérialistes, contre les guerres, ou les oppressions. Notre énergie doit être concentrée sur cet objectif : organiser notre classe, notre camp social. La puissance d’agir et du changement de la réalité viendra de la mobilisation des masses.

S’organiser sur le temps long

Nous avons perdu la bataille pour nos retraites en 2023 ; l’étau de la bourgeoisie asphyxie notre quotidien. Aujourd’hui, notre classe est menacée par l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Si les perspectives de ré-enchantements révolutionnaires et émancipatrices ne se dessinent pas sur le futur proche, cela ne doit pas imposer la fatalité de la défaite, ou la résignation.

Faisons le bilan de nos engagements et de nos actions, ce qui n’a pas fonctionné dans les mouvements sociaux et nos erreurs, et construisons par les plus petites actions notre pouvoir d’agir sur la réalité. En commençant par ce qui peut paraître banal : s’ancrer dans son territoire et tisser les liens dans le quartier, le lieu de travail, lieu d’apprentissage et avec son entourage. Nulle force de lutte sans ancrage.

UCL Nantes

[1] « Près d’Angers, pourquoi les intérimaires et les salariés en CDI font grève à Kuehne-Nagel », Ouest-France, 1er février 2024.

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Gauchiasses

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