76
11
submitted 3 months ago by leftascenter@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu
77
5
Football : Carton rouge… et noir ? (www.unioncommunistelibertaire.org)
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

La question du sport comme outil d’aliénation ou d’émancipation est entrée dans nombre de foyers lors de la Coupe du monde de football organisée par la FIFA au Qatar fin 2022. Et ce sont plutôt les aspects critiques qui ont prédominé dans les débats, autour de la question du respect des droits humains et des enjeux environnementaux. Un point sur le football pris dans une réflexion plus ample sur ses implications sociales semble donc nécessaire.

Le football n’est pas un objet qui flotte hors de la société qui l’a engendré. Il est une réalité multiforme qui touche à des degrés divers : pratiquant·es, fans, organisateur·ices et financeurs eux-mêmes le façonnent, tel un prisme dont ne regarder qu’une seule facette relèverait de la mauvaise foi. Se limiter à dénoncer l’hégémonie d’un football-spectacle devenu une marchandise ne visant que le profit serait aussi réducteur et partiel que de n’en louer que les débuts dans le monde ouvrier et sa place dans la culture populaire.

Remettre les valeurs sociales au cœur du sport

Le football a pris ces dernières décennies l’apparence d’un produit dont le commerce génère des milliards de chiffre d’affaires, aberrants au regard des urgences sociales, économiques et environnementales. Il est devenu l’archétype du sport-business et d’un monde où le spectacle remplace la participation effective pour cantonner les citoyen·nes au rang de simples consommateur·ices. En ce sens il ne nous ressemble plus et se transforme en un divertissement stérile voire nuisible pour le maintien de valeurs vivantes telles que la solidarité, le partage, l’équité, le plaisir de l’effort ou de sa mise en commun. Cependant, ne se résume-t-il qu’à ça ? Non. Il suffit de se pencher en détail sur ce qui compose cet « écosystème football » mondial pour se rendre compte que des facettes bien plus intéressantes existent et méritent d’être regardées de près.

En premier lieu, évoquons la réalité militante du club professionnel du quartier rouge de Hambourg, le FC Sankt Pauli, fraîchement promu en Bundesliga, la « Ligue 1 » allemande. Celui-ci est souvent présenté comme l’archétype d’une forme de résistance au foot-business. Une résistance qui se joue à l’intérieur même du système contre lequel le club s’est érigé depuis le milieu des années 1980 lorsque le mouvement des occupations d’immeubles vacants battait son plein dans la ville hanséatique. Depuis, les supporter·ices, majoritairement issu·es des mouvements sociaux locaux, ont investi les tribunes mais aussi (et c’est là que réside l’exemplarité) les instances du club, et se sont organisés autour de mots d’ordre et de principes forts et qui dénotent dans le paysage du sport-business : antisexisme, antihomophobie, antifascisme, solidarité internationale, engagement social local, modèle de développement économique soutenable...

Des îlots de résistance face au foot capitaliste

Tout cela se manifeste au jour le jour par les décisions constantes d’une « scène des fans » hautement responsabilisée et pleinement consciente des luttes à mener, l’équipe de football professionnelle du club servant principalement de vitrine à celles-ci. Il est difficile de lister les engagements du club tant les axes et les modes de mise en œuvre sont variés : du soutien à un centre de soins palliatifs pour malades du VIH à la création de puits autonomes dans des régions du monde où l’accès à l’eau est déficient, le FC St. Pauli tente de concilier le fait d’être un îlot de résistance et celui de participer malgré tout à un « système » qui ne valorise guère ce genre de prises de position.

Il est cependant à relever l’absence totale de solidarité du FC St. Pauli envers les Gazaoui·es victimes des exactions de l’armée israélienne qui ont suivi les attaques barbares du Hamas le 7 octobre dernier. Au contraire, c’est une position très pro-israélienne qui a été exprimée par la voix des Ultras Sankt Pauli et d’autres groupes de supporters [1]. Le tout au grand dam des fanclubs internationaux dont un certain nombre ont purement et simplement cessé leurs activités en lien avec le club [2]. La faute entre autres à l’influence du courant antideutsch, mouvance en vogue dans la gauche radicale allemande, se réclamant de l’antifascisme tenant des positions radicalement sionistes... par antinationalisme allemand [3].

S’il est facile de trouver dans d’autres pays des tribunes marquées à gauche s’exprimant sous forme de banderoles ou de drapeaux en faveur d’une lutte ou d’une revendication (Rayo Vallecano en Espagne, Red Star en France, West Ham en Angleterre, Livorno en Italie, Beşiktaş en Turquie...), il est beaucoup plus rare de voir les supporter·ices parvenir à modeler la vie de leur club en fonction de leurs engagements. C’est qu’en Allemagne existe une sorte d’exception au fonctionnement habituel qui voit le propriétaire de club et son conseil d’administration décider de tout : ici, les adhérent·es à l’association FC St. Pauli sont sa base démocratique.

Construire un football libertaire

D’autre part, il existe des exemples de résistance au modèle dominant sur de toutes autres échelles. De nombreux clubs plus petits que le FC St. Pauli se battent également pour redonner au football son caractère populaire et sa dimension d’acteur social local à l’instar du CS Lebowski (Florence), de l’Atletico San Lorenzo (Rome), du Ménilmontant FC 1871 (Paris), ou encore du Clapton FC (Londres). Pour chacun d’eux l’enracinement dans la réalité de terrain et le développement d’une culture sportive inclusive sont des fondements indispensables. Ils posent un contrepoint face à la recherche effrénée et délétère de performance que promeut le football professionnel estampillé UEFA ou FIFA. Et si le FC St. Pauli se montre frileux sur la question palestinienne, c’est tout l’inverse du côté du Ménilmontant FC.

Dans les tribunes de ces réalités sportives à mesure humaine, pas de diktats, pas de censure de la solidarité entre les peuples. Les maillots de ces équipes arborent souvent des symboles reliés à l’histoire du camp politique libertaire (comme le Clapton FC et son mythique maillot aux couleurs de la République espagnole). Et surtout, les solidarités s’y organisent de manière concrète avec des actions de soutien aux réfugié·es ou à tout un ensemble de causes que les communistes libertaires appuient de leur côté au niveau de l’UCL ou d’autres organisations. Elles trouvent d’ailleurs là une application dans un champ pratique qui déborde des organisations strictement politiques.

Alors, si le prisme offre des facettes diversement séduisantes, nous avons le choix de poser notre regard là où l’horizon est le plus intéressant. Nous avons la possibilité de chercher autour de nous ces initiatives, ces clubs qui opposent une résistance de fait au modèle hégémonique et gangrené du football professionnel. Ces clubs locaux ont une forte tendance à se multiplier et il se peut même qu’il y en ait un dans votre entourage ayant besoin de joueur·euses, animateur·ices, formateur·ices... C’est donc aux passionné·es du ballon rond de chausser leurs crampons pour appuyer ces réalités et tacler l’idée reçue que ce sport serait définitivement perdu pour celles et ceux qui aiment l’engagement partagé : en d’autres termes, c’est aux libertaires de jouer !

Accattone (UCL Lille)

Pour aller plus loin :

• Éloge de la passe : le sport comme apprentissage des pratiques libertaires, Collectif, Éditions Libertaires, 2012 • Une histoire populaire du football, Mickaël Correia, Éditions La Découverte, 2018 • Le grand footoir, Collectif, Solar Éditions, 2022 • Atlas du football populaire : Europe - Amérique latine, Yann Dey-Helle, Éditions Terres de Feu, 2024

[1] « Derrière le soutien de certains groupes ultras allemands à Israël », Dialectik Football, 19 novembre 2023. [2] « FC St. Pauli : rupture consommée avec plusieurs fanclubs solidaires des Palestiniens », Dialectik Football, 13 novembre 2023. [3] « Le phénomène antideutsch : une singularité de la gauche radicale allemande », Anne Joly, La Revue des Livres, juillet-août 2012.

78
35
submitted 3 months ago by leftascenter@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

Ça marcherait peut être ici. A essayer. C'est vrai qu'ils sont zarbi au RN.

79
4
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

« Ganhar ou perder, mas sempre com democracia » (gagner ou perdre mais toujours avec la démocratie), cette devise du club de football du SC Corinthians résume l’esprit de ce qui aura été pendant quelques années une incarnation sportive de la lutte contre la dictature militaire brésilienne.

Depuis 1964 et le coup d’état du maréchal Castelo Branco, le Brésil vit sous le joug des généraux, mais en ce début des années 1980 la contestation devient de plus en plus forte. La loi d’amnistie du 22 août 1979, prise alors que le Brésil traverse une forte crise économique qui fragilise le régime, et qui met sur le même plan les bourreaux et les victimes – puisqu’elle garantit l’absence de poursuites à la fois contre les policiers ou les militaires tortionnaires et contre les opposant·es engagé·es dans la lutte armée – marque cependant le début de la fin du régime des oligarques militaires. Les mouvements sociaux connaissent un regain de popularité. C’est donc en plein effervescence politique et sociale que naît une expérience footballistique et démocratique aussi brève qu’inédite, la «  démocratie Corinthiane  ».

L’autogestion dans les vestiaires et sur le terrain

« Les joueurs sont traités comme des esclaves. Le modèle autoritaire est remis en cause dans tout le pays, il doit l’être aussi dans le foot. ». C’est par ses mots qu’Adilson Monteiro, jeune sociologue de 35 ans, ayant fait ses armes militantes dans les mobilisations étudiantes des années 1970 et qui a connu les prisons de la dictature des généraux, inaugure sa prise de fonction au poste de directeur sportif du SC Corinthians, le club le plus populaire de Sao Paulo, en novembre 1981. Adilson Monteiro engage alors une révolution au sein du club : « Dites moi ce qui ne va pas, prenez vos destinées en main, ayez conscience que vous pouvez commander, nous déciderons tous ensemble ». Trois joueurs vont être les fers de lance d’un mouvement qui va profondément marquer le club : Socrates, Wladimir et Casagrande.

La démocratie est de mise dans toutes les décisions concernant le club, répartition des recettes, forme des entraînements, … sont élaborées et discutées collectivement. Socrates raconte : « Nous avons opté pour une solution d’autogestion en choisissant l’un de nos joueurs pour entraîner l’équipe ». Le club est alors vilipendé par la presse mais sur le terrain les résultats sont là, l’équipe ne perd aucun match entre novembre 1981 et juillet 1982 !

Une expérience qui dura quatre ans

La démocratie corinthienne dépasse largement le cadre sportif, c’est un modèle politique et social concret à opposer à la junte militaire. Dans son Histoire populaire du football, Mickaël Correia rappelle que « le SC Corinthians se revendique depuis sa création en 1910 comme le “club du peuple” – en opposition par exemple au plus huppé São Paulo FC –, l’équipe fournit à la société brésilienne un exemple vivant d’une expérience autogestionnaire qui tacle l’ordre établi, jusqu’à se muer en caisse de résonance des aspirations démocratiques de tout un pays » [1]. La victoire des Corinthians face au São Paulo FC en finale du championnat pauliste est une victoire autant sportive que politique, dans les tribunes une banderole géante est déployée, visible par les 80 000 spectateurs et spectatrices du stade mais aussi dans tous les pays par la télévision : « Gagner ou perdre mais toujours en démocratie ». La victoire des Corinthians signe la future défaite des généraux. Elle marque aussi l’apogée de la démocratie corinthienne et le début de la fin.

L’expérience ne durera même pas quatre années mais elle aura marquée profondément les esprits, au Brésil et bien au-delà, montrant qu’il était possible de pratiquer et faire vivre un football dans un cadre socialiste et démocratique, un sport où la victoire compte moins que la manière de le pratiquer et de le faire vivre.

David (UCL Savoies)

80
19
submitted 3 months ago by inlandempire@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu
81
1
Le foot palestinien dans la résistance (www.unioncommunistelibertaire.org)
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

Le football est un champ de la résistance autant symbolique que matériel pour le peuple palestinien, ciment de son unité malgré son éclatement. À ce titre il est attaqué régulièrement par l’état sioniste, en Palestine comme à l’international.

Toute aspiration nationale palestinienne est combattue depuis la création d’Israël : la Palestine n’existe pas ! Dès lors hors de question de voir ses couleurs représentées dans les stades de foot. Pour cela Israël harcèle les équipes locales : le 10 novembre 2012 au cours de l’offensive « pilier de défense », le stade de Gaza est sciemment bombardé et 4 jeunes footballeurs âgés de 6 à 18 ans sont tués. Le 1er janvier 2014 des soldats ouvrent le feu sans sommation sur deux nouvelles recrues de l’équipe nationale palestinienne… de 19 et 17 ans. Ayant reçu des balles dans les pieds, les deux jeunes espoirs ne pourront plus jamais jouer au foot. Les blocus, check-points et barrages empêchent les sportifs de se retrouver pour jouer ensemble, les interdictions de se rendre à l’étranger sont récurrentes, des rencontres sont régulièrement annulées.

L’équipe nationale palestinienne est composée de joueurs cisjordaniens, gazaouis, palestiniens de 48 ou issus de la diaspora. Cet éclatement géographique entraîne de nombreux déplacements et incertitudes comme le confirme l’entraîneur Jamal Mahmoud « je ne sais jamais de quel joueur je vais pouvoir disposer [...] en général je compose trois équipes possibles et à la fin on voit qui on peut emmener » [1].

Des origines multiculturelles

La première fédération palestinienne de football est créée par un immigré juif biélorusse en 1928. Elle regroupe des clubs juifs comme arabes, mais dès les années 1930 les dirigeants juifs sont majoritaires au sein conseil d’administration, à partir de 1934 les clubs arabes n’ont plus leur mot à dire. Pour les coupes du monde de 1934 et de 1938 aucun joueur arabe ne fait partie de la sélection. Les Arabes créent alors leurs propres structures mais elles sont démantelées durant la Grande révolte arabe palestinienne de 1936-1939.

Après 1948 l’État d’Israël va faire mainmise sur les clubs de football des villages arabes d’Israël afin de les contrôler. Rapidement des tensions apparaissent, en 1964 un match entre deux équipes de villages juifs et arabes se termine en affrontements entre joueurs et supporters, le lendemain des centaines d’ouvriers arabes se mettent en grève. Deux mois plus tard l’Hapoël Bnei Nazareth, première formation arabe remarquée au sein du championnat israélien, célèbre son ascension en deuxième division en écrasant 8-0 l’équipe juive de Kiryat Shmona. En réaction Israël dissout la même année un réseau d’équipe de football qui tentent de former un embryon de championnat arabe entre plusieurs villes.

Mais nombre de joueurs arabes israéliens, excédés par le racisme des ligues israéliennes, sont attirés par les clubs nouvellement créés de Cisjordanie.

Carton rouge au racisme israélien

La fondation d’une ligue palestinienne est actée après les accords d’Oslo. La fédération palestinienne de foot est intégrée à la FIFA en 1998, devenant la première organisation internationale à reconnaître la Palestine comme état indépendant. Le 26 octobre 2006 se tient un match entre « les lions de Canaan » (nom de la première équipe arabe fondée en 1947) et l’équipe jordanienne. La rencontre se solde par un match nul, mais peu importe le résultat, l’important est ailleurs comme le dit le footballeur Murad Ismail Said : « une équipe qui vient jouer sur nos terres c’est une façon de reconnaître l’état palestinien » [2]. Trois jours plus tard ce sera au tour de l’équipe féminine palestinienne de se confronter à son premier match international à domicile toujours face à la Jordanie.

En termes de solidarité internationale, le football est également un espace de combat avec le boycott sportif mené par la campagne BDS. Concernant le foot, sera créé la campagne « carton rouge au racisme israélien » [3] rappelant que la Fifa avait suspendu l’Afrique du sud pendant 30 ans. En 2016 la fédération palestinienne appuyée par une soixantaine de député·es européen·nes proteste auprès de l’instance contre 6 clubs de football installés dans les colonies. La FIFA se mue alors en arène politique pour la cause palestinienne. Le football est aussi un terrain d’inventivité de la résistance symbolique de la population. En 2010, les gazaoui·es lancent leur propre coupe du monde, la Gaza world cup avec pour mot d’ordre : « si tu ne peux pas aller en Afrique du sud, le mondial viendra à toi » [5]. Durant deux semaines, seize équipes de la bande de Gaza dont 14 clubs professionnels se rebaptiseront de plusieurs noms de pays. « Nous voulons attirer l’attention du monde sur notre isolement et montrer qu’il y a une vie ici » affirme alors Tamer Qarmout, l’un des organisateurs de cet événement [6]. La finale opposera la « France » à la « Jordanie » dans le stade Yarmouk de Gaza, retransmis sur Al Jazeera, les vainqueurs recevrons un trophée réalisé par des artisans locaux à partir du métal retrouvé sur les bombardements israéliens. Pour conclure avec Mahmoud Darwich, « nous serons un peuple lorsque le palestinien ne se souviendra de son drapeau que sur les stades » [7].

La FIFA reconnaît la Palestine

Le 23 juillet 2009, Mahmoud Sarsak, footballeur palestinien du camp de réfugié·es de Balata, est arrêté alors qu’il se rendait à son nouveau club, il est incarcéré 3 ans sans jugements ni inculpation. Il fait une grève de la faim de 92 jours pour être libéré mais sa carrière est brisée en raison des séquelles de l’internement et des tortures. Une pétition est alors lancée et signée entre autre par Eric Cantona qui, dans une lettre, enjoindra à Michel Platini, alors président de l’UEFA à se positionner « il est temps de mettre fin à l’immunité d’Israël et d’insister sur les mêmes critères d’égalité et de respect de la législation internationale que nous exigeons des États » [4]. L’ex-buteur de Manchester United s’opposera également à la tenue de la coupe européenne de football des moins de 21 ans en Israël en 2013. En 2010, Michel Platini menacera bien Israël de ne plus faire partie de l’UEFA pour toutes ses exactions, mais de la parole aux actes...

Nicolas Pasadena (UCL Montreuil)

PAS DE GÉNOCIDAIRE AUX JEUX OLYMPIQUES !

Israël se sert du sport pour se promouvoir et se blanchir, avec notamment sa participation régulière ces dernières années au Tour de France sous la marque « Israël startup nation » (alors qu’Israël ne possède aucune fédération nationale de cyclisme !). La campagne BDS France a ainsi régulièrement ciblé le tour de France ces dernières années pour dénoncer cette participation. Alors que la grande « fête » des Jeux olympiques se déroulera pendant qu’on continue à mourir à Gaza, la campagne BDS espère bien s’inviter et perturber quelque peu les réjouissances en dénonçant la participation des équipes israéliennes, réclamant que l’état colonial endosse la même sanction que la Russie, exclue des Jeux olympiques pour son invasion de l’Ukraine.

[1] Mickaël Correia, Une histoire populaire du football, La Découverte, 2018. [2] Idem. [3] « On peut pas s’en foot », brochure BDS, 2014. [4] Idem. [5] Mickaël Correia, op. cit. [6] Idem. [7] Mahmoud DARWICH, La Trace du papillon – Pages d’un journal (été 2006-été 2007), Actes Sud, Arles, 2009.

82
7
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

C’est souvent l’aspect spectaculaire du roller derby que l’on retient. Ça va vite, ça se bouscule, les couleurs sont criardes, difficile de suivre au début. Alors, sport ou spectacle ? Est-ce que ces personnes ne s’élancent sur des patins que par amour des tenues voyantes et des jeux de mots ? Ou est-ce que tout cela n’est qu’un prétexte pour étancher leur soif de compétition et de violence ? D’ailleurs est-ce qu’on pourra retrouver ce sport aux JO ?

Au commencement était le roller derby  ! On fait parfois remonter les origines de ce sport au début du xxe siècle. Il s’agit là d’une longue tradition de courses d’endurance ou de jeux en patins. C’est au milieu des années 1930 aux États-Unis qu’un homme d’affaires a l’idée de faire concourir des équipes dans des courses.

Dans le contexte de la Grande Dépression, les participant·es affluent et sont désespéré·es d’emporter les prix.

Très vite les équipes se bloquent, créent des stratégies qui sont incorporées au sport. Le tout est filmé et diffusé à la télévision. La vitesse et l’agressivité servent le spectacle. Les actions sont théâtrales et le port de protections ou le respect des règles sont optionnels.

Mais ces jeux finissent par disparaître dans les années 70. Jusque-là, on est bien loin d’un sport engagé et émancipateur.

Des origines capitalistes à un sport féministe et militant

Le roller derby tel que nous le connaissons naît plus tard. Tout commence au début des années 2000 à Austin au Texas. Des femmes et personnes queers s’inspirent de cette tradition de sports en patins pour se l’approprier. Elles créent leurs propres règles, mais avant tout, elles fondent des collectifs. De cette façon, elles investissent un espace qui leur est hostile, celui du sport, qui plus est un sport de glisse et de contact.

Leur pratique reste marginale  : comme pour les autres sports féminins, les financements sont rares et faibles, d’autant plus pour une discipline qui ne correspond pas aux codes marketing du sport « féminin ».

Pourtant rien n’y fait, plus qu’une appropriation, un sport est né. Pour cela, elles ont dû écrire leurs propres règles, trouver des lieux pour s’entraîner, développer des stratégies, une vraie organisation qui tend vers l’autogestion et qui repose sur la communication et le soin.

Parmi ces personnes, Shauna Cross écrit un roman sur une jeune athlète en patin : Derby Girl (2007), puis le scénario du film Bliss (Whip It !) réalisé par Drew Barrimore en 2009. L’acteur Elliot Page y joue une jeune femme qui s’émancipe des attentes de féminité de sa mère. C’est l’occasion de découvrir rapidement les règles, mais surtout la camaraderie, l’appropriation du sport par des personnes qui en sont habituellement exclues ou reléguées au rôle de faire valoir, et aussi une esthétique punk et camp.

Après la sortie de ce film, le roller derby fait presque partie de la culture populaire. À partir des années 2010, le roller derby s’implante même en France. Ce sport reste confidentiel et l’épidémie de Covid met à mal les clubs locaux, mais la magie continue.

Abracadacab

Sport basé sur des règles complexes (voir encadré) et demandant un large panel de compétences athlétiques, le roller derby c’est aussi beaucoup plus. D’ailleurs il n’y a pas forcément besoin de patiner pour « faire du derby ». Pour qu’un sport d’équipe, de contact et de vitesse se passe bien, il faut plus que deux équipes.

Il faut d’abord des arbitres, beaucoup d’arbitres  ! Des arbitres à rayure sur patins et des arbitres en noir à pied. Dans une approche anti-validiste, chaque volontaire peut trouver sa place et les caractéristiques de chaque joueur·euse sont prises en compte par les arbitres, par exemple pour les personnes malentendantes. Il faut aussi des bénévoles, car chaque aspect de l’organisation d’une rencontre et de la vie d’un club est assuré bénévolement par ses membres.

De part ses origines militantes, le roller derby moderne a rapidement interrogé la séparation genrée de ses équipes. Pensé dès son origine comme un sport féminin, la plupart des équipes de derby sont aujourd’hui en mixité choisie sans hommes cisgenres. L’équipe de France se définit comme une équipe féminine + et intègre plusieurs personnes trans.

Elle n’a pas manqué d’afficher son soutien aux personnes trans dans le contexte de propositions de lois transphobes de ces derniers mois. Les contours de cette mixité choisie restent le fruit de discussions régulières aux seins des équipes avec pour objectif de préserver des espaces où chacun·e peut trouver sa place.

Il s’agit de trouver une identité et de s’exprimer politiquement, ce qui passe aussi par les numéros et les noms de maillots aussi appelés derby names. En plus des numéros 666, ou 404, on retrouve de nombreux 1312 (ACAB) et autre 161 (AFA).

De la même façon, les derby names permettent également de s’exprimer, de s’approprier une identité souvent riche de jeux de mots comme Noh’Passar’Ass et autres Abracadacab. Toujours engagé et dans un souci d’inclusivité le roller derby tolère aussi les hommes cisgenres dans des équipes « All Gender ».

Institutionnaliser mais à quel prix ?

Ce sport demande un investissement collectif et personnel conséquent. En échange, les personnes qui s’y investissent trouvent un espace bienveillant où s’épanouir. Il s’agit d’un espace ouvert pour les personnes qui ont été jusque-là exclues du sport.

Le care [1] et l’écoute active jouent ainsi un rôle central pour créer des liens de solidarité puissants.

Cette tradition à la fois militante et sportive a permis à de nombreuses personnes d’accéder au sport et parfois de le pratiquer à haut niveau, mais aussi de s’investir activement dans la vie de leur équipe et de leur club.

Mais cet investissement peut peser lourdement sur les individus, et dans certains cas un désir de reconnaissance peut se traduire par une volonté d’institutionnaliser la discipline. Ce nouveau contexte peut sembler peu compatible avec l’engagement militant qui caractérise le roller derby : si l’équipe de France peut s’engager pour les personnes trans, c’est parce qu’elle ne relève pas du ministère des Sports.

Pour les personnes qui défendent une institutionnalisation, cela devrait apporter plus de moyens, permettre à des personnes de se professionnaliser et un meilleur accompagnement des joueur·euses.

Il faudrait faire peau neuve, on porterait son nom sur son maillot et un numéro moins fantaisiste par exemple.

Il faudrait sûrement aussi se plier aux règles classiques du sport, c’est-à-dire à une distinction au sein des équipes par le sexe tel que reconnu par l’administration et non par le genre tel qu’autodéterminé par les personnes, une hiérarchie surplombante qui pourrait limiter des pratiques militantes et malheureusement mener à un accompagnement dégradé pour les personnes investies dans ce sport.

On peut aussi rappeler l’état du sport féminin dans d’autres disciplines plus établies, où les pratiquantes commencent à peine à se faire rémunérer sans pour autant vraiment se professionnaliser.

On peut également faire remarquer que le mouvement #MeToo dans le sport n’a pas épargné le roller derby.

Rien d’étonnant quand on considère les violences structurelles dans nos sociétés. En revanche, la réaction a été assez virulente pour entraîner une série de démissions au sommet de la Fédération française de roller et skateboard (FFRS) [2].

Proposer une alternative

Le roller derby reste un espace à défendre ainsi qu’un espace de débat et d’innovation. Ce sport ne cesse d’évoluer et accueille maintenant une nouvelle génération avec la création d’une ligue junior. Cette évolution a mené à de nouvelles pratiques pour protéger ces nouvelles personnes.

Une progressivité dans les contacts en fonction de l’âge et du niveau a ainsi été mise en place et de même des règles pour encadrer les interactions entre des adultes et des mineurs concernant par exemple la séparation des vestiaires.

Les clubs qui souhaitent créer une équipe junior doivent également se mobiliser pour entraîner ces nouvelles recrues, ce qui représente un investissement supplémentaire de temps et d’énergie. Il faut également communiquer avec les parent·es qui bien que de bonne volonté ne sont pas toujours militant·es ni toujours au courant de la dimension politique du roller derby.

De nouvelles personnes arrivent et investissent cet espace, ouvrant ce sport à de nouveaux défis pour se maintenir et garder sa force militante, où les rencontres sont l’occasion d’échanges riches.

Si une manifestation a lieu après un évènement, la solidarité s’organise pour rejoindre le cortège après le dernier match.

L’athlétisme et la stratégie rencontrent dans le derby des valeurs fortes d’entraide, de bienveillance et de care. Il s’agit de se dépasser dans un esprit radicalement fair-play. Mais alors, y aura-t-il du roller derby aux JO 2024  ?

Ce n’est pas au programme, et pour assister à un match il faudra plutôt se déplacer dans un gymnase municipal près de chez vous. Trop compliqué, trop engagé, trop queer, les raisons sont nombreuses et c’est sûrement là l’intérêt de ce sport  : proposer une alternative.

Le roller derby, c’est développer ses capacités physiques et son humanité avec radicalité. Avec plus de 4 500 licencié·es en 2024 et plus de 50 ligues en France, ce sport va continuer d’évoluer et qui sait, peut-être que vous aussi vous serez là au match avant la manif  !

Angela Merguez

Le Roller Derby, mode d’emploi

Le roller derby comporte de nombreuses règles visant entre autres à rendre la pratique aussi sûre que possible pour les participant·es. On pourrait vraiment prendre des heures pour les détailler, mais on va tenter de se limiter à quelques lignes.

Le derby c’est donc un sport de contact sur patins et en équipe qui se joue sur une piste ovale, le track !

Chaque match est divisé en jams de 2 minutes maximum. Pour chaque jam, quatre bloqueur·euses par équipe sont aligné·es sur le track. Derrière elleux, il y a les deux jameur·euses, toujours une par équipe. C’est ielles qui marquent les points !

Au premier coup de sifflet, les jameur·euses s’élancent. Dès qu’un·e des jameur·euses a passé les bloqueur·euses, il lui faut faire un tour pour commencer à marquer des points.

Chaque bloqueur·euse adverse qu’ielle dépasse lui rapporte alors un point. Un jam a beau être court, l’effort demandé est intense. Heureusement 30 secondes sont prévues pour changer les lignes : les joueur·euses qui étaient sur le track sont relayées par leurs coéquipier·ères !

Pour que tout se passe bien, il y a deux personnes à pieds : la·e line-up, qui organise les lignes, et la·e bench, qui guide la stratégie de son équipe. Après deux mi-temps de 30 minutes, c’est l’équipe qui marque le plus de points qui gagne !

Avec une mi-temps de 15 minutes, cela fait une heure quinze de concentration et d’effort physique parfois brutal. Il faut donc beaucoup d’arbitres sur le terrain pour suivre un grand nombre d’actions très rapides et assurer la sécurité sur le track : jusqu’à 17 arbitres soit 7 en patins et 10 sans patins.

Le travail se fait également en amont par la formation des joueur·euses. Pour participer à un match, le club doit s’assurer que ces personnes ont les savoirs faire et connaissances théoriques de bases nécessaires pour ne pas mettre en danger les autres et ne pas se mettre en danger soi-même, ce qu’on appelle les MS, Minimum Skills.

[1] « Soucis des autres, soin, attention, sollicitude, aucune de ces traductions possibles prises isolément ne rend justice à l’enchevêtrement des pratiques qui, à différents niveaux, permettent de “maintenir, perpétuer, réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible” », Dictionnaire des féministes, sous la direction de Christine Bard, PUF. [2] « Violences sexuelles : démission du président de la Fédération de roller et skateboard », Le Monde, 6 mars 2020.

83
4
submitted 3 months ago by inlandempire@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

La suite du feuilleton "Avis de Méluche sur les JO"

84
3
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

Prévues du 22 au 26 juillet 1936, dix jours avant l’ouverture des Jeux nazis de Berlin, les Olympiades populaires de Barcelone ne pourront se tenir du fait du coup d’état de Franco. Une partie des sportifs et sportives venu·es sur place restera cependant et prendra les armes pour défendre la démocratie espagnole contre les forces réactionnaires et fascistes. Si ces premiers Jeux antifascistes ne purent avoir lieu, ils restent une marque de la résistance en acte de sportives et sportifs attaché·es à promouvoir par le sport, un modèle de société émancipateur et démocratique.

Face à des Jeux olympiques devant se dérouler à Berlin, capitale du IIIe Reich, et servir de vitrine à la propagande nazie, un mouvement mondial de boycott inédit s’organise, le premier dans l’histoire des Jeux olympiques. L’attribution des Jeux en 1931 à Berlin plutôt qu’à Barcelone a tenu en partie à ce que Pierre de Coubertin et certains caciques du CIO étaient « effrayés » par la jeune République espagnole… et l’avènement d’Hitler en 1933 ne les a visiblement pas dérangés plus que ça.

Aux États-Unis et en Europe des manifestations s’organisent rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes, des pétitions sont lancées, l’une d’elle est signée par plus de 500 000 personnes ! Un mouvement populaire antifasciste est en marche. L’Internationale rouge sportive (IRS, organisation auxiliaire du Komintern appelée également « Sportintern ») crée à Paris un Comité international pour le respect de l’idée olympique. De son côté la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), née de la réunion fin 1934, justement sous l’égide de la lutte antifasciste, des fédérations sportives socialiste et communiste, lance le slogan : « Pas un sou, pas un homme pour les JO de Berlin ! ». Si à l’image du journal Sport nombreux sont celles et ceux qui demandent « le transfert des Jeux dans un autre pays », le CIO reste droit dans ses bottes. Pire il attribue les Jeux d’hiver de 1936, à Garmisch-Partenkirchen, en Bavière… six mois après l’accession au pouvoir d’Hitler !

La campagne de boycott, réactivée en 1935, ne parvient toutefois pas à convaincre les fédérations des différents pays de ne pas aller à Berlin. En avril 1936 une Conférence internationale pour le respect de l’idée olympique se tient à Paris prend acte de l’échec du boycott et propose un autre plan, l’IRS projette en effet la tenue de « jeux sportifs populaires » dans plusieurs pays en forme de manifestations populaires antifascistes contre « l’Olympiade hitlérienne » de Berlin. L’idée d’une alternative aux Jeux olympiques n’est pas nouvelle, l’IRS a déjà organisé des Olympiades communistes alternatives aux Jeux olympiques, les Spartakiades, dont la première édition s’est tenue à Moscou en 1928.

Après la victoire du Frente Popular aux élections législatives de janvier 1936, l’IRS donne dès février la consigne à sa section espagnole, la Federación cultural y deportiva obrera (FCDO), de « prendre les dispositions pour organiser des jeux populaires espagnols en été de cette année, au moment de l’Olympiade hitlérienne de Berlin ». Issus principalement des fédérations sportives ouvrières, on estime que 6000 athlètes appartenant à 22 pays devaient participer à ces Olympiades populaires.

La cérémonie d’ouverture prévue pour le 19 juillet, devait voir défiler des équipes représentant à la fois des États-nations et des nations sans États aux côtés des juif·ves qui avaient fui l’Europe et des peuples colonisés d’Afrique du Nord. Tout un symbole internationaliste qui ne verra pas le jour. Le soulèvement nationaliste des 17 et 18 juillet prélude de la Guerre civile espagnole empêchera les Olympiades de se tenir. Une partie des athlètes prendront les armes et iront sur les barricades avec les frères et sœurs catalan·es, un athlète français en est mort, première victime internationaliste du conflit. Les troupes militaires repoussées, on dit que les athlètes ont défilé dans les rues en chantant L’Internationale dans toutes les langues.

David (UCL Savoies)

85
10
submitted 3 months ago* (last edited 3 months ago) by inlandempire@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

@Syl@jlai.lu extrait légendaire :

C'est le cas particulier de Jean-Luc Mélenchon qui, réticent à l'origine, s'est dit retourné par la cérémonie, tout en étant retourné dans son retournement par la Cène, donc. Cette critique de Mélenchon subdivise immédiatement les anti-Mélenchon habituels en deux catégories. Les anti-drag queens eux-mêmes retournés par le retournement dans le retournement de Mélenchon, sur le thème : vous voyez bien, même Mélenchon n'a pas aimé ! Et d'autre part les anti-Mélenchon radicaux, inretournables, qui soupçonnent Mélenchon de ne critiquer la cathophobie que pour critiquer ensuite plus librement l'islamophobie, en vertu de son clientélisme habituel (paragraphe à relire crayon à la main, l'analyse de la réception est un art complexe).

86
7
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

Félicien Faury propose dans cet ouvrage, issu de sa thèse en sciences politiques, une lecture très éclairante des ressorts du vote Rassemblement national, notamment dans le sud-est de la France, terrain qu’il a arpenté entre 2016 et 2022. L’auteur se propose d’explorer « les conditions sociales du vote RN ».

Pour comprendre les ressorts sociologiques qui motivent des électeur·ices à donner leur suffrage à l’extrême droite l’auteur s’est efforcé « par l’enquête sociologique, de descendre au niveau des expériences des électeurs, des contextes dans lesquels ils vivent, afin d’identifier les logiques au fondement du pouvoir d’attraction que peut exercer sur eux un parti comme le RN ».

Félicien Faury prend le contre-pied d’une posture universitaire qui, depuis les années 1990, dans un souci de ne pas stigmatiser des groupes sociaux populaires dont elle se sait fort éloignée, tend à minorer, voire ignorer la composante raciste du vote pour le FN/RN, au profit d’autres causalités sociales. L’auteur montre en effet que le facteur déterminant du vote RN est raciale, « l’aversion entretenue vis-à-vis des minorités ethnoraciales constitue à la fois le dénominateur commun aux différentes fractions de l’électorat lepéniste et le lien entre les différentes motivations des électeurs du RN ». Mais il s’inscrit avant tout dans un contexte d’un racisme systémique qui se déploie bien au-delà des seules électeur·ices du RN.

Les électeur·ices du sud-est de la France interviewé·es ici ont en commun de connaître « une situation économique et sociale marquée par la fragilité et l’incertitude », ils et elles contestent « la redistribution et l’usage des ressources communes ». Ainsi les questions fiscales, scolaires, résidentielles deviennent-elle « les théâtres de compétitions sociales racialisées, dans lesquelles les groupes minoritaires, construits et essentialisés en tant que tels, sont perçus et jugés comme des concurrents illégitimes ».

Rendu encore plus nécessaire du fait des derniers résultats électoraux du Rassemblement national, cet ouvrage permet de comprendre, « par le bas », les motivations les électeur·ices du FN/RN. On en ressort convaincu·e que ce vote se nourrit tout autant du racisme systémique à l’œuvre dans notre société que des politiques libérales génératrices d’un accroissement des inégalités. Une fois ces constats posés, place à l’action politique.

David (UCL Savoies)

Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Seuil, mai 2024, 240 pages, 21,50 euros.
87
14
submitted 3 months ago by leftascenter@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu
88
6
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

Le sport est politique. En disant cela on enfonce évidemment une porte ouverte. Les grands évènements sportifs en sont une parfaite illustration, derrière un apolitisme souvent érigé en étendard qui va jusqu’à sanctionner les sportifs et sportives exprimant leur solidarité envers des causes politiques, et notamment l’antiracisme, ils servent de vitrine politique aux régimes politiques les pires et de vitrine commerciale aux grands groupes capitalistes.

Tout est politique, et le sport n’est pas une exception. Cependant, s’il y a un domaine de la société qui s’acharne à revendiquer un supposé apolitisme, c’est bien le sport, particulièrement à haut niveau. Ce discours est martelé par les dirigeants d’institutions sportives comme la FIFA ou le Comité international olympique (CIO) depuis leur création. Selon eux, le sport serait au dessus de la politique, parce qu’il rassemble, divertit et ne cherche que le dépassement de soi. Passons sur le fait qu’aucune de ces caractéristiques n’est véritablement neutre, bien au contraire. Ce qu’ils sous entendent c’est que le sport serait indépendant du champ politique, c’est à dire des gouvernements, des partis, de la « politique politicienne ». Au fond, ce que revendique le sport c’est ­d’être libre de toute ingérence politique [1].

Pour laisser à ses dirigeants de grandes marges de manœuvres, mais aussi surtout car cet « apolitisme » est lucratif. Après tout, comme le justifiait le joueur de basketball Michael Jordan pour expliquer son manque d’activisme politique : « Les républicains aussi achètent des baskets ». C’est aussi pour cette même raison que lorsque des sportif·ves de haut niveau tentent timidement de protester contre le racisme en posant un genou à terre (Colin Kaepernick dans le football américain, les joueurs et joueuses de football en Angleterre...) on leur demande de se taire et de jouer au ballon. Parce que tout conflit, toute division pourrait rebuter certains et donc faire baisser les ­profits...

Mais cet apolitisme revendiqué est d’autant plus faux, précisément car le sport a été instrumentalisé par les pouvoirs publics depuis son institutionnalisation au xixe siècle. Les Jeux olympiques (JO) et la Coupe du monde de football en sont les exemples les plus criants. Mégas événements globaux, ils sont aujourd’hui suivis par des milliards de personnes et jouissent d’une popularité sans égal, faisant presque croire au mythe de l’union des peuples tant déclamée. À ce titre, et ce depuis le début du xxe siècle, ils ont pu servir de moyen de propagande pour les pires régimes de la planète (Italie fasciste, Allemagne nazie, Junte militaire Argentine, URSS...). Ils sont encore largement instrumentalisés de nos jours par tout type de gouvernement, jusqu’aux moins recommandables (Chine, Russie de Poutine, Qatar, France de Macron...). En plus d’une couverture médiatique gigantesque et d’une association globalement positive avec le sport, il s’agit aussi de faire état de son soft power et de projeter face au monde sa « grandeur » [2].

Sport spectacle contre investissements sociaux

La capacité à faire de ces événements sportifs un « succès » est le moyen pour beaucoup de pays de se faire une place, ou de la consolider, dans la cour des grands comme l’a revendiqué la Chine en 2008 [3]. En effet, les immenses défis logistiques et les dépenses colossales engagées (on atteint les dizaines de milliards d’euros désormais), dues aux cahiers des charges toujours plus exigeants de la FIFA et du CIO ne sont pas à la portée de tout le monde. Et tant pis si ces sommes ne sont pas investies dans le service public. En 2014, au Brésil, pays féru de football s’il en est, de nombreux habitants et habitantes ont protesté contre le manque de financement des hôpitaux et des écoles, et le gâchis d’argent public dans la Coupe du monde. Le gouvernent préféra réprimer dans la violence plutôt que de renoncer au projet [4].

Les gouvernements en veulent donc pour leur argent et utilisent autant qu’ils peuvent ces événements pour se donner une bonne image, passer sous silence leur oppression et leur corruption, ou tout simplement faire taire les dissident·es pour ne pas ternir ­l’image donnée au monde, et ­ainsi asseoir leur puissance. Mais c’est aussi une manière de faire plaisir aux capitalistes de tous bords.

Un sport façonné pour les intérêts des capitalistes

Contrairement à l’idéal annoncé, la raison principale de ces événements, ce n’est pas la ­beauté du sport ou l’union entre les peuples, mais de faire de l’argent. Les marques se bousculent pour devenir « fournisseurs officiels » de ces événements, obtenant des contrats d’exclusivité qui vont jusqu’à interdire à toute marque concurrente de se revendiquer affiliée à l’événement ou de faire de la pub aux alentours des stades [5]. Tout est contrôlé, marketé, et presque chaque centimètre carré de ces événements est vendu aux intérêts capitalistes. Évidemment, ces décisions vont régulièrement à l’encontre du bien commun. Ainsi alors que l’alcool dans les stades était interdit au Brésil à cause des violences qu’il entraînait, il a été ré-autorisé pour la Coupe du monde 2014 suite à la pression de la FIFA sur le gouvernement pour soutenir leur sponsor Budweiser [6].

Malgré les sommes colossales engrangées par les marques suite à ce sponsoring, très peu reviennent aux pays ou villes organisatrices. On vante souvent les événements sportifs comme étant des opportunités économiques importantes, mais c’est rarement le cas. Les revenus des JO en général ne couvrent pas les coûts immenses engrangés, payés in fine par les populations locales. Les JO de Londres ont coûté 18 millions de dollars et n’en ont rapporté « que » 5,2... dont la moitié est allée au CIO [7].

Il n’est donc pas surprenant que pour préserver leurs intérêts économiques, les institutions sportives et leurs soutiens capitalistes préfèrent une population docile et qui consomme sans perturber les choses, et n’ont donc aucun problème à confier ces événements aux pires régimes. Après tout, Jérôme Valcke, ancien secrétaire général de la FIFA avait déclaré un jour qu’« un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde » [8]…

Ces mots n’ont jamais été plus vrais que pour les JO de Berlin 1936 en Allemagne nazie, et la Coupe du monde 1978 dans une Argentine dominée par la junte militaire. Ces deux exemples méritent qu’on les développe. Dans les deux cas, l’organisation des événements avait été confiée avant l’installation de ces régimes autoritaires qui en ont profité pour les utiliser comme des outils de propagandes. Les institutions sportives s’en sont très bien accommodées, leur seule inquiétude étant que tout se passe bien. Pour ces états, un double objectif : montrer au monde que le régime n’est pas aussi monstrueux que sa réputation, tout en renforçant son contrôle au niveau national.

Une aubaine pour les régimes dictatoriaux

Ainsi, à Berlin, les nazis ont beaucoup investi pour garantir un succès administratif et logistique des JO, tout en atténuant officiellement leur rhétorique raciste, nationaliste et antisémite. Ainsi de nombreux spectateurs étrangers sont repartis d’Allemagne en pensant que le régime nazi n’était pas si horrible [9]. Après tout, « officiellement » aucune personne juive n’était interdite de participer, mais c’est passer sous silence l’expulsion ou les disqualifications douteuses de l’essentiel des sportifs et sportives juifs et juives de plusieurs fédérations, notamment d’Allemagne mais aussi des États-Unis [10]. Finalement, très peu d’athlètes juifs et juives participeront, même si certains, comme Ibolya Czak, Juive hongroise qui égala le record d’une athlète juive allemande disqualifiée et remporta l’or, purent briller. Pour convaincre les autres nations qu’ils n’étaient pas un régime raciste, le ministère de la propagande nazie en est même jusqu’à interdire à la presse allemande de critiquer les athlètes noir·es [11].

Il faut noter d’ailleurs qu’alors que les JO devaient consacrer pour les nazis la suprématie de la race aryenne, ce fut un athlète noir américain, Jesse Owens, qui marqua les Jeux de ses performances, mettant en théorie à mal la propagande nazie. Il a beaucoup été écrit sur la portée symbolique des nombreuses médailles d’Owens, et cela a été remarqué par de nombreux contemporains des Jeux, mais le but des nazis n’était pas forcément de convaincre les autres pays de leur idéologie, sinon que d’impressionner et d’adoucir leur image. Il est d’ailleurs particulièrement significatif qu’Owens ait été globalement mieux traité par la presse nazie que par la presse américaine.

L’opposition au fascisme et à l’idéologie nazie a entraîné d’importants débats, particulièrement en France et aux États-Unis [12]. Léon Blum renonça au boycott, mais aida à la mise en place des Olympiades populaires de Barcelone de 1936. La proposition de boycott fut largement discutée par diverses fédérations, et ce ne fut qu’après un vote très serré que le comité olympique américain participa, sous l’impulsion de son président d’alors, et futur président du CIO, Avery Brundage, antisémite notoire [13]. Plusieurs athlètes juifs renoncèrent cependant à participer. Ces débats et tentatives de boycott, mirent un projecteur sur l’Allemagne et influencèrent probablement la volonté des nazis de limiter publiquement et cyniquement leur antisémitisme pour faire patte blanche. Le bilan de l’instrumentalisation des JO par les nazis est mitigé, mais il est certain que les nazis ont tout fait pour utiliser cet événement à leur avantage.

Divertir les masses, torturer les opposant·es

Dans le cas de la Coupe du monde 1978, la junte argentine s’inscrivait dans la continuité de tous les régimes autoritaires qui ont pu organiser ce type d’événements. Sujette à de nombreuses critiques politiques, mais aussi d’investisseurs capitalistes, elle mit en place une véritable stratégie marketing, faisant appel à une grande agence de communication, Burson-Marsteller, pour un contrat de plus d’un million de dollars [14] ce qui était alors inédit pour un régime autoritaire. Armé de ce plan précis, l’idée était, comme 42 ans auparavant, de faire passer le régime pour ce qu’il n’est pas, de nier son caractère autoritaire pour rassurer les autres pays, tout en renforçant son contrôle social. De fait, alors que face aux touristes le régime s’avérera très complaisant, le plus grand camp de torture, L’Escuela de Mecanica de la Armada, se trouvait à quelques centaines de mètres du stade ou se déroulait la finale. De nombreux opposants politiques entendaient même les cris du public depuis leurs cellules [15]. Certains tortionnaires poussèrent le vice jusqu’à déambuler en voiture avec des prisonniers pour leur montrer que tout le monde se fichait de leur situation.

La propagande du régime fut en partie un succès. Le résultat sportif fut indéniable, mais entaché de forts soupçons de corruption, l’Argentine devenant championne du monde pour la première fois. Cette victoire, mais aussi la liesse qui suivit fut récupérée et instrumentalisée par le régime. Ce dernier a aussi pu se targuer d’une organisation presque sans faille, saluée par les institutions sportives [16]. Il faut aussi noter que cette victoire a sûrement permis au régime de prolonger sa mainmise sur le pays en lui donnant un peu de répit. Cependant, la Coupe du monde 1978 a aussi été au centre de nombreux mouvements de boycott et de dénonciation. Dénoncer le sport spectacle au nom de l’amour du sport

Alors que la question de l’Argentine était auparavant très discrète, ce méga événement sportif a permis de mettre à l’agenda le sujet et à entraîné un vif débat dans le monde occidental. Cela a, comme en 1936, poussé le régime à montrer son meilleur visage devant les caméras. La Coupe du monde a été un outil de propagande ambigu pour le régime, à la fois efficace mais prêtant le flanc à la critique. Il en est cependant ressorti renforcé, l’indignation mondiale étant d’ailleurs vite retombée dans les milieux militants européens, se concentrant sur les JO de Moscou de 1980 [17].

Si aujourd’hui on parle de ces grands événements sportifs dans des dictatures avec un regard critique, il ne faut pas se leurrer sur l’incroyable potentiel propagandiste qu’ils ont constitué à leurs époques. De nos jours, les logiques sont les mêmes. Les gouvernements se servent de ces événements pour renforcer leur soft power, redorer leur image, mieux asseoir leur domination nationale et internationale, mais aussi pour renforcer les intérêts capitalistes les plus outranciers. Alors que les JO vont avoir lieu en France en 2024 il est urgent de se rappeler du passé, de voir ces événements pour ce qu’ils sont et de les dénoncer, jusqu’à lutter directement contre, même et surtout si on est fan de sports.

Sano (UCL Marseille)

[1] Jacques Defrance, « La politique de l’apolitisme. Sur l’autonomisation du champ sportif. », Politix, vol. 13, n°50, deuxième trimestre 2000, p. 13-27 [2] Jean-Marie Brohm, Le sport-spectacle de compétition : un asservissement consenti, Quel sport ? Éditions , 2020 [3] « JO : Pékin célèbre la “renaissance” de la Chine, le monde », Le Monde, 7 août 2008. [4] « Brazilian anti-World Cup protests hit Sao Paulo and Rio », BBC, 16 mai 2014. [5] « Fifa foils Pepsi ambush », The Guardian, 11 juin 2002. [6] « Brazil World Cup beer law signed by President Rousseff », BBC, 6 juin 2012. [7] « The Economics of Hosting the Olympic Games », Étude du Council on Foreign Relations, Cfr.org [8] « La Fifa : “Un moindre niveau de démocratie parfois préférable pour organiser un Mondial” », Le Nouvel Obs, 25 avril 2013. [9] Allen Guttmann, « Berlin 1936 : The Most Controversial Olympic », National Identity and Global Sports Events, Alan Tomlinson et Christopher Young (dir.), State University of New York Press, 2006. [10] Ibid. [11] Ibid. [12] Richard D. Mandell, The Nazi Olympics, University of Illinois Press, 1987. [13] « Racist IOC President Avery Brundage Loses His Place of Honor », The Nation, 25 juin 2020. [14] Jean-Gabriel Contamin et Olivier Le Noé, « L’événement sportif comme opportunité : contingence et réversibilité des usages politiques du Mondial de 1978 en Argentine », Les usages politiques du football, L’Harmattan, 2011. [15] Eduardo Archetti, « Military Nationalism, Football Essentialism, and Moral Ambivalence », National Identity and Global Sports Events, Alan Tomlinson et Christopher Young (dir.), State University of New York Press, 2006. [16] Jorge Lanata, Argentinos. Tomo 2 Siglo xx : desde Yrigoyen hasta la caída de De la Rúa, Ediciones B, 2003. [17] Jean-Gabriel Contamin et Olivier Le Noé, « La coupe est pleine Videla ! Le Mundial 1978 entre politisation et dépolitisation », Le Mouvement Social, 2010, tome 1, no 230, p. 27-46.

89
17
Et oui Jamy (files.catbox.moe)
submitted 3 months ago* (last edited 3 months ago) by Camus@lemmy.ca to c/gauchisse@jlai.lu
90
5
submitted 3 months ago by Five@slrpnk.net to c/gauchisse@jlai.lu
91
12
submitted 3 months ago by BeatTakeshi@lemmy.world to c/gauchisse@jlai.lu
92
3
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

Le 21 février dernier, 80 ans jour pour jour après sa exécution, Missak Manouchian entrait au Panthéon accompagné de son épouse Mélinée. De beaux discours furent prononcés pour rendre hommage et saluer le résistant arménien « mort pour la France »… et notamment par ceux-là même qui votaient une énième loi immigration qui fut saluée par les descendant·es politiques des assassins des Manouchian et de ses autres camarades de l’Affiche rouge.

Un voile pudique a cependant été posé sur le parcours du militant communiste Manouchian et sur l’importance dans la résistance de ces militant·es communistes de langue étrangère organisé·es avant la guerre dans la Main-d’œuvre étrangère, qui devient par la suite MOI, la Main-d’œuvre immigrée au sein de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) et du Parti communiste. C’est cet oubli que vient réparer l’ouvrage dense et richement documenté de Dimitri Manessis et Jean Vigneux, déjà co-auteurs chez Libertalia en 2022 de l’excellent Rino Della Negra, footballeur et partisan.

De la création des groupes de langue au sein de la CGTU à la résistance armée qui donnera naissance aux FTP-MOI, en passant par l’engagement dans les Brigades internationales et jusqu’à la fin de la MOI dans les années 1952-1953, les auteurs retracent, dans ce qu’ils présentent comme une première synthèse, l’histoire sinueuse de ces militants et militantes, même si ces dernières sont victimes d’une « (double) invisibilisation ». Si la mémoire communiste a su dès le début des années 1950 mettre en avant ces militant·es résistant·es de la FTP-MOI, « frères » et « sœurs » en humanité comme ont dit alors dans le discours communiste, l’histoire des rapports entre ces groupes organisés selon la langue (plutôt que la nationalité) : Italiens, Juifs, Arméniens, etc., fut plus compliquée et parfois réellement conflictuelle.

L’ouvrage, en redonnant corps aux combats de la MOI au-delà de la seule évocation de l’Affiche rouge, replace ces militant·es dans une histoire des luttes ouvrières où se mêlent luttes sociales, xénophobie, internationalisme et mémoires militantes, leur rend un hommage autrement plus sincère que les « honneurs de la République ».

David (UCL Savoies)

Jean Vigreux, Dimitri Manessis, Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI, Libertalia, février 2024, 270 pages, 10 euros.

93
4
submitted 3 months ago by ucl37@jlai.lu to c/gauchisse@jlai.lu

« Nous ne sommes pas effrayé·es le moins du monde par les ruines. Nous allons hériter de la terre, cela ne fait pas le moindre doute. La bourgeoisie peut détruire et ruiner son propre monde, avant de quitter la scène de l’histoire. Nous transportons un monde nouveau, ici, dans nos cœurs ». Buenaventura Durruti, ouvrier anarcho-syndicaliste espagnol.

Quels que soient les résultats des élections législatives anticipées, sans renier que ces résultats influeront sur la situation  politique et sociale immédiate, nous devrons continuer à nous mobiliser pour faire avancer nos revendications. Seules les luttes collectives pourront constituer une alternative au libéralisme et au fascisme. Sur quoi pouvons-nous nous appuyer dans cette période ? Quel est le rôle des révolutionnaires ? Comment faire pour arracher des victoires ?

Les grèves se multiplient depuis la crise du Covid-19

S’il y a un mouvement de fond installé depuis le Covid-19, c’est bien celui de la conflictualité dans les lieux de travail. Entre 2021 et 2022, le nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève a augmenté de 71% ! À la première place des revendications : la rémunération.

En Loire-Atlantique, plusieurs secteurs ont connu des grèves cette année, dont la métallurgie, l’agro-alimentaire, le BTP (INEO, filiale de Bouygues), la presse (Ouest France), les sociétés de services numériques (Smile, Capgemini, Accenture), etc. Pour ces deux dernières entreprises, il s’agit d’un événement en soi, tant le secteur est un désert syndical proportionnellement au nombre de salarié·es.

Les chiffres ne suffisent pas

Notre camp dénonce souvent les chiffres de milliards de profits des capitalistes pour mobiliser. Mais cela a un effet distanciant, les chiffres étant trop éloignés de la réalité des travailleuses et travailleurs. Les grèves des travailleuses et travailleurs partent d’un constat simple : la difficulté à boucler les fins de mois, l’arbitraire du patron, les conditions indignes, etc. Savoir que l’entreprise fait des bénéfices record est important, mais ce n’est pas l’information principale pour lancer une grève. C’est la réalité du terrain qui prime.

La majorité des patrons d’entreprises, souhaitant l’arrêt des grèves, revoient leur propositions à la hausse. Si les propositions sont tellement basses que le patronat maîtrise la marge de hausse, cela n’en fait pas pour autant une défaite pour notre camp. Car il faut voir aussi ce qu’un climat de grève permet dans une entreprise. Prenons l’exemple de la grève de février 2024 dans l’entreprise Kuehne Nagel près d’Angers [1]. L’activité sur la plateforme a commencé en 2020, employant 400 salarié·es, majoritairement des intérimaires et des travailleuses et travailleurs immigré·es. Les conditions de travail y sont particulièrement difficiles, les salaires bas, et la précarité partout.

Aucune organisation ni culture syndicale n’était présente. Le travail de persévérance d’une équipe syndicale ne faisant pas partie de l’entreprise, et l’aide de l’Union locale CGT pour s’implanter dans cette usine, a permis la création d’une petite section, du lien avec les autres ouvriers et ouvrières une dynamique de solidarité entre les intérimaires et les internes. Suite à l’annonce d’une augmentation de la cadence qui s’ajoute à toutes les autres conditions d’exploitation, 200 salarié·es en CDI, et jusqu’à 90% d’intérimaires décident de faire grève. D’abord par des débrayages de deux heures les deux premiers jours et grève avec occupation de l’usine les deux derniers jours.

Des possibilités ouvertes

Pris de court, et avec des tentatives échouées de divisions, le patron a alors dû signer un accord de fin de grève au bout des quatre jours avec :

1. l’annulation de l’augmentation des cadences ;
2. l’embauche de 80 intérimaires en CDI ;
3. l’augmentation de 130 euros par mois de la prime de productivité. Une vraie victoire au regard de la situation moins d’un semestre avant !

Sans oublier la culture de liens et de solidarité qui se noue entre les travailleuses et travailleurs depuis cette mobilisation, cet exemple nous montre :

1. L’importance d’une Union locale interprofessionnelle combative qui a apporté l’expérience de ses militant·es (juridiques, d’anticipation des pièges du patron, de soutien logistiques etc.) à des travailleuses et travailleurs qui ne voulaient plus se laisser faire.
2. Que même dans le secteur privé avec différents types de contacts (CDI, intérimaires, etc.) c’est possible de faire grève et de gagner.

Mais les quelques victoires éparses dans les entreprises ne peuvent cacher la forêt de la destruction de la planète et des conditions de travail. C’est pourquoi nous devons nous renforcer et nous saisir des outils de défense de notre classe et ouvrir les brèches. Malgré ses imperfections et ses limites, le syndicat est un outil d’organisation central dans le lieu de travail. Sans doute, ses formes actuelles ne répondent pas à toutes les configurations des lieux de travail, ni aux transformations majeures des dernières décennies.

Notre rôle en tant que révolutionnaires

Notre rôle est de bâtir notre force collective dans l’outil syndical, sans le vider de son sens politique : un moyen de maintenir la conflictualité, même défensive, entre nous producteurs et productrices de richesses et le Capital. En tant que communistes libertaires, si nous avons appelé à faire le choix tactique de voter Nouveau Front populaire pour empêcher l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, nous restons convaincu·es que notre rôle est de participer, renforcer et unifier les luttes qui émergent de notre classe sociale.

Que ce soit sur les salaires, les luttes écologiques, les luttes anti-impérialistes, contre les guerres, ou les oppressions. Notre énergie doit être concentrée sur cet objectif : organiser notre classe, notre camp social. La puissance d’agir et du changement de la réalité viendra de la mobilisation des masses.

S’organiser sur le temps long

Nous avons perdu la bataille pour nos retraites en 2023 ; l’étau de la bourgeoisie asphyxie notre quotidien. Aujourd’hui, notre classe est menacée par l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Si les perspectives de ré-enchantements révolutionnaires et émancipatrices ne se dessinent pas sur le futur proche, cela ne doit pas imposer la fatalité de la défaite, ou la résignation.

Faisons le bilan de nos engagements et de nos actions, ce qui n’a pas fonctionné dans les mouvements sociaux et nos erreurs, et construisons par les plus petites actions notre pouvoir d’agir sur la réalité. En commençant par ce qui peut paraître banal : s’ancrer dans son territoire et tisser les liens dans le quartier, le lieu de travail, lieu d’apprentissage et avec son entourage. Nulle force de lutte sans ancrage.

UCL Nantes

[1] « Près d’Angers, pourquoi les intérimaires et les salariés en CDI font grève à Kuehne-Nagel », Ouest-France, 1er février 2024.

94
5

Ça me chatouille cette histoire, et j'aime pas ça.

95
7
submitted 4 months ago by Taevas@beehaw.org to c/gauchisse@jlai.lu

C'était lorsque le nombre de votes qu'il a reçu au troisième tour de la présidence à l'assemblée nationale a été annoncé

Internet n'arrive pas à me donner de réponse, donc je me tourne vers ici, j'espère que c'est le bon endroit !

96
4
submitted 4 months ago by peotr26@sh.itjust.works to c/gauchisse@jlai.lu

Ça ce sont nos JO

97
5
submitted 4 months ago by Five@slrpnk.net to c/gauchisse@jlai.lu

Anglais

Ces dernières heures, et par l'intermédiaire de collègues et d'organisations liées au niveau international, nous avons pu apprendre le départ de Julien Terzics. Le groupe de peaux rouges « Brigada Flores Magon », dont il faisait partie en tant que batteur, a annoncé la nouvelle le 2 juillet.

Né à Paris en 1968, Terzics était anarchiste et membre fondateur des « Red Warriors ». Durant les années 80, ils affrontent le fascisme, organisant un mouvement de jeunesse, d'origine ouvrière et antifasciste, pour s'opposer et combattre l'extrême droite dans les rues de la capitale française. Son exemple a influencé de nombreux jeunes des quartiers modestes, contaminant l’action directe et avec un message clair qui, malheureusement, prend encore beaucoup de sens aujourd’hui : « Ne laissez pas les rues aux mouvements néo-nazis ». Cette idée, que nous signalons également depuis quelques années à notre propre militantisme anarcho-syndicaliste, est très importante. Dans l'État espagnol, nous avons pu voir comment, après quelques années de faible mobilisation suite à la pandémie de covid et aux restrictions de certaines mobilisations sous prétexte de « sécurité », l'extrême droite et ses satellites organisationnels (pseudo-syndicats, groupes, formations de jeunesse, médias de désinformation, etc.), occupent le devant de la scène face aux différentes réalités revendiquées depuis toujours dans la rue par le mouvement ouvrier et le syndicalisme combatif et de classe. Notre place, comme nous l'affirmons toujours, est auprès du peuple, à côté de la réalité de la classe ouvrière et des personnes les plus vulnérables de notre société. C’est-à-dire que notre place est toujours (et sera) dans la rue, auprès des nôtres.

Dans les différentes nécrologies consacrées à Julien, on s'accorde aujourd'hui sur le paradoxe que ce camarade est mort précisément alors qu'il se trouvait dans son pays, où il a lutté pendant tant d'années contre les idées réactionnaires et les discours de haine des formations d'extrême droite, le danger que le les enfants et petits-enfants des fascistes des années 80 occuperont une place au Parlement français, déterminant la vie de millions de personnes. Nous attendons de voir comment les événements évoluent, et pas seulement en France, mais dans d’autres endroits de la planète où se déroulent ces jours-ci des luttes liées à la résurgence d’idées issues des temps très sombres de l’humanité. Et c'est triste de dire au revoir à des collègues comme Julien, mais c'est aussi très décourageant de le faire dans une période de turbulences, où des gens comme lui sont plus nécessaires que jamais.

Nous essaierons de ne pas nous arrêter dans la lutte, de continuer à avancer sur la voie internationaliste de la solidarité et de l’action directe contre ceux qui cherchent à nous soumettre.

Chasseurs De Skins

98
7
99
27
100
9
submitted 4 months ago* (last edited 4 months ago) by peotr26@sh.itjust.works to c/gauchisse@jlai.lu
view more: ‹ prev next ›

Gauchiasses

452 readers
16 users here now

Nous sommes

https://external-content.duckduckgo.com/iu/?u=https%3A%2F%2Fmedia4.manhattan-institute.org%2Fsites%2Fcj%2Ffiles%2Fportland-violence.jpg&f=1&nofb=1&ipt=91b61cf3f13a9e40b91bdab0a5973be9fa44a5bee84d87891fdad4f79a1ba8fa&ipo=images

Nous ne sommes

https://external-content.duckduckgo.com/iu/?u=https%3A%2F%2Fwww.washingtonpost.com%2Frf%2Fimage_1484w%2F2010-2019%2FWashingtonPost%2F2012%2F01%2F13%2FForeign%2FImages%2FRussia_Protest_0b91b.jpg%3Ft%3D20170517&f=1&nofb=1&ipt=8fa787287d738c3d92562327208a425cf6c49c29e200c960cff447270577d499&ipo=images

Mais le plus important

https://external-content.duckduckgo.com/iu/?u=https%3A%2F%2Fcdn.cnn.com%2Fcnnnext%2Fdam%2Fassets%2F200210153738-portland-antifa-sign-file-super-tease.jpg&f=1&nofb=1&ipt=4ab86b771ceb2905d78153f9cd18e3f24d19c580d691a8541dd897d1dc8ff980&ipo=images

founded 1 year ago
MODERATORS